La rocambolesque histoire des détournements de fonds de la défunte banque dénommée Crédit Agricole du Cameroun (CAC), vient de rebondir à la une de l’actualité à la faveur de la publication de l’avis de vente aux enchères publiques dans le Cameroon Tribune du lundi 21 août 2017. Selon ce communiqué, l’Etude de Me Behonh Tolly Omoko Emilienne Dominique, notaire à Yaoundé, la requête a été introduite par la Société Camerounaise de recouvrement SRC, représentée par son Directeur Général, Madame Marie Rose Messi, nommée par le Conseil d’administration extraordinaire du 24 juin 2013, liquidateur de la Banque Crédit Agricole du Cameroun.
A priori, cette qualité de liquidateur reconnue à la SRC parait logique. Pourtant là se trouve l’entourloupe. Pour comprendre ce passe-passe juridique, il faut remonter quelques années plus loin, interroger les faits.
Liquidateur ou syndic de faillite
Créée en 1990, le Crédit Agricole ne tiendra pas six ans avant de se trouver en situation de cessation de paiement, avec des crédits insolvables octroyés à des pontes du régime. Quelques années plus tard, un expert judiciaire est nommé par décision de justice, comme syndic de faillite. Il s’agit du sieur Ekandé Frédéric, doyen des enseignants du droit des affaires à l’université de Yaoundé 1, président fondateur de l’association des juristes d’affaires du Cameroun, ancien député RDPC à l’assemblée nationale. Celui-ci assure cette mission dans un environnement pollué par les pressions politiques qui couvrent ce scandale financier. Alors que l’expert entreprend d’évaluer les créances, qui s’élèvent à près de mille milliards de francs, la COBAC commet dans le même temps un audit supervisé par Kaldjob Arron, qui va déboucher sur l’arrestation et la condamnation de Frédéric Ekande.
Dans la foulée, le sieur Kaldjob Aaron est nommé liquidateur de la Banque Crédit Agricole du Cameroun, par la COBAC en violation de la loi qui veut que les agents de cette institution bancaire ne puissent travailler dans des structures bancaires. Par une ironie de l’histoire, les deux hommes vont se retrouver derrière les barreaux moins d’un an après cette transaction au sein de la BEAC, Aaron Kaldjob ayant été inculpé dans l’affaire du FEICOM.
Comment expliquer que les instances judiciaires qui avaient commis un liquidateur judiciaire en qualité syndic de faillite, ne se soient plus intéressées à la liquidation de la Banque crédit agricole du Cameroun, en nommant un autre syndic ? La COBAC s’est d’abord introduite dans l’affaire, en nommant Kaldjob Aaron comme liquidateur en 2001, puis la Société de recouvrement du Cameroun va par son Conseil d’administration s’auto nommer liquidateur de la dite Banque en 2013. Cette question est essentielle pour comprendre la forfaiture et la dérive qui aboutit aujourd’hui à la mise en vente aux enchères de l’immeuble du défunt Andzé Tsoungui Gilbert.
La controverse familiale
Le défunt Président du Conseil d’Administration de la Banque Crédit Agricole du Cameroun, Gilbert Andzé Tsoungui aurait donc hypothéqué l’immeuble querellé au nom de son fils Emile Andzé, alors que les autres fils du défunt veulent s’opposer à cette vente estimant à raison que ce bien est partie intégrante de leur patrimoine commun. Dans les couloirs de la justice, des actions sont menées pour faire valoir le fait que le syndic de faillite initial à savoir Ekandé Frédéric, reste seul habileté à procéder à cette vente. Comme pour dire qu’on n’est pas encore sorti de l’auberge.
A qui profite le brouillard autour de la liquidation du Crédit Agricole du Cameroun ?
La gestion chaotique de la Banque Crédit Agricole du Cameroun mise en faillite après dix ans est imputée aux grandes fortunes du landerneau administrativo-politique. Des crédits sont octroyés aux proches des dirigeants qui ne rembourseront pas les sommes énormes empruntées. La justice ne va bizarrement pas sévir pour sanctionner les auteurs de cette faillite. Oui, aussi vrai que cela va se passer, les débiteurs poursuivis seront systématiquement protégés par les « mains de l’ombre »… Une maffia qui a fini par trouver un bouc émissaire en la personne de l’expert judiciaire, le seul à payer par une peine privative de liberté sa « gestion » de la liquidation pour laquelle lui sont reprochés près de 800 millions de francs de détournement… Ekandé Frédéric, puisqu’il s’agit de lui, peut s’interroger du fond de sa cellule sur le rôle de la BEAC sous le gouverneur Mamalepot Jean Félix, car c’est bel et bien à travers un contrôle de ses activités de syndic de faillite que sa vie a basculé. C’est encore à travers diverses réformes de cette même institution que des banques sont tombées en faillite successivement : SCB Crédit Lyonnais, BICEC, CBC pour ne citer que celles-là.
Pour l’heure un rebondissement reste possible, pour obstruer la mise en vente aux enchères…
Pierre Pochangou