La page des vingt-deux ans sans partage du président Yaya Djamey vient de se tourner . Au terme d’une élection au scrutin à un tour, le candidat de la coalition d’une partie de l’opposition, ADAMA BARROW l’a emporté par une large majorité devant le président sortant, lui imposant de reconnaitre sa défaite avant même la publication officielle des résultats. Alors que le peuple Gambien célèbre cette éclatante victoire, et que toutes les capitales mondiales saluent l’entrée de ce pays dans la cour des démocraties, une analyse interpellative s’impose aux peuples africains opprimés.
L’adage qui veut que « l’union fait la force » vient une fois de plus de prouver sa véracité. Aucun peuple au monde ne peut se libérer dans la division serait la côté pile de cette pièce d’évaluation de la vie publique. Sinon comprendre que le peuple gambien ait pu se libérer de vingt-deux années de dictatures en une journée ?
Voilà un peuple de près de trois millions d’habitants confiné dans une enclave au cœur du Sénégal qui a vécu dans l’humiliation d’un système piloté par Yaya Djamey, pendant deux décennies, qui ne savait plus à quel saint se vouer. Puis certains partis politiques se sont regroupés autour de la candidature de l’homme d’affaires Adama Barrow, qui a sollicité les voix des électeurs sur un programme de trois ans de transition, alors que la constitution lui en donne cinq. Le nouvel homme fort a réussi à rassembler autour de sa candidature les voix des sans voix, ce petit peuple majoritaire, qui croupissait sous une pauvreté indescriptible, alors que la, minorité au pouvoir s’enrichissait dans l’impunité totale.
L’exemple à suivre
Dans la majorité des états où les chefs présentent des états de service de plusieurs décennies au pouvoir, il ressort que les partis politiques d’opposition manquent manifestement de volonté pour surmonter les égos, afin de se réunir autour d’une candidature unique, véritable gage de victoire électorale. Les partis politiques au pouvoir réussissent certes à monter des partis satellites qui infiltrent les oppositions, mais à la réalité les échecs proviennent des égos surdimensionnés des principaux leaders, prêts aux compromissions. Les exemples sont légion : au Gabon, en république démocratique du Congo, au Congo Brazzaville, au Tchad, au Cameroun pour ne citer que ceux-là, les partis politiques d’opposition n’ont jamais réussis à s’accorder sur une candidature unique en une trentaine de décennies. Ils garantissent de ce fait la longévité au pouvoir de ceux-là qu’ils combattent. Comme dans un silence complice, ils semblent mieux s’accommoder de la prédominance des hommes en place qu’à la possibilité pour un autre opposant qu’eux-mêmes à succéder au président en place.
A ce jeu-là, les peuples ne s’y trompent pas. Lorsqu’ils ont la conviction que les choix qui leurs sont offerts ne sont pas clairs, que les candidats au pouvoir ne viennent pas pour changer les règles du jeu avant de se lancer dans une nouvelle gouvernance, ils se désintéressent. Dès lors, ils ne suivent pas les votes par une surveillance des bureaux pour éviter la fraude tant décriée par les opposants, et plus grave ils ne participent pas massivement au scrutin. En réalité, dans toutes nos démocraties africaines, la population majoritaire est celle des pauvres, des non bénéficiaires des fruits de la croissance pourtant brandie aux yeux du monde comme des certificats de bonne gouvernance. Cette multitude n’attend qu’à trouver le vrai leader qui ne s’accroche pas au pouvoir, qui va imposer une constitution que les uns et les autres vont définitivement respecter, puis organiser des élections plus transparentes. Malheureusement chaque opposant croit à son destin national, alors même qu’à travers leur implication dans les partis politiques ils sont contaminés par le virus du « pouvoirisme ». Dans leurs rêves secrets ils ne rêvent qu’à accéder à la magistrature suprême pour ensuite imposer leur clan, piller au maximum les richesses et truquer les règles du jeu démocratique en leur seule faveur.
Candidatures indépendantes
L’avenir démocratique africain passe par l’adoption de constitutions imposant les candidatures indépendantes pour diminuer le poids des partis politiques, dont le trop grand nombre perturbe la transparence et rapproche des divisions tribales, puis adopter des codes électoraux permettant le décompte immédiat des voix pour la proclamation des résultats jour du scrutin. Voilà les grands principes qui doivent désormais être défendus par tous les électeurs d’Afrique, car dans les urnes, chaque voix est unique et pèse effectivement dans le résultat final.
Pierre Pochangou