Elle fait certainement partie de ceux qui se lèvent tôt dans la capitale camerounaise. A 4h et demi, voire 5 h au plus tard, maman Chantal, comme ses nombreux clients et les autres vendeurs du marché Etourdi l’appellent affectueusement, est déjà dans ce marché, non loin de la présidence de la République à Yaoundé. Elle a construit sa réputation autour des feuilles qu’elle vend depuis plusieurs années. Cela dure depuis 10 ans. Que ce soit le Ndolé, le « Kock », le « kwem » ou les feuilles de manioc, le « Zom » et bien d’autres feuilles vertes que les ménagères aiment pour leur famille, Maman Chantal est une spécialiste. Une simple absence pour quelques heures ou jours met certaines femmes en difficultés car, elle compte par milliers, des clientes devenues fidèles à elle.
1m,50, teint clair, cette cinquantenaire d’ Efom par Okola, une localité située dans la Région du Centre au Cameroun, mère de trois enfants, se caractérise par un dynamisme absolu en tant que grande commerçante de haute qualité. C’est par les liens de sang qu’elle a appris ce métier qui lui permet de vivre aujourd’hui. « Le commerce est pour moi un métier héréditaire que mes parents m’ont transmis » dit-elle avec sourire et assurance. Des belles histoires de ses familles, Maman Chantal aime raconter à la moindre occasion. Son père était un grand commerçant acheteur et revendeur de cacao et du café. Sa mère, entre ses charges au foyer était aussi une commerçante qui a fait ses preuves. C’est au sol qu’elle étale sa marchandise. Juste derrière, elle est assise sous un parasol, assez souvent un couteau de cuisine à la main pour découper certaines légumes, le « kock » ou encore le « zom ». Certaines femmes aiment acheter déjà ce qui est découpé nous lance-t-elle au passage, le regard fixé sur cette activité de découpage qui a quand même laissé des traces sur ses doigts, quelques cicatrices. Malgré ces cicatrices, issues des blessures, malgré le froid de la ville de Yaoundé aux premières heures du matin, maman Chantal n’a jamais songé un jour abandonner. « J’aime mon travail, c’est de ça que je vis, la nutrition, l’école, la santé, mes cotisations, etc., » déclare-t–elle à qui veut entendre en soutenant que le temps est devenu est difficile, les feuilles rares aussi tout comme l’argent. Mais tout de même, elle réussit à gagner selon ses dires, parfois 20 000 F ou 30 000 F par jour. « Il y’a aussi certaines journées que je ne fais pas cette vente. Il y’a des jours où je vends plutôt pour 10 000 F CFA ou 15 000, parfois même moins de 10 000. Mais je ne me décourage pas, je garde la grande attitude » nous confie-t-elle. Hormis les ménagères, ses clients sont aussi les restaurants, les hôtels, les gestionnaires de maison de pension pour personnes âgées et même les organisateurs d’évènements.
Pour la provenance de sa marchandise, Maman Chantal se ravitaille auprès des bayam Salam, des femmes sorties des villages voisins pour venir livrer leurs produits aux revendeuses sur le marché. Ces villages sont entre autres Obala, Sa’a, Mkoumetou et Mfou. Elle est obligée d’arriver sur le marché très tôt, quelque soit le temps qui fait à cette heure ou les multiples difficultés sur le trajet de sa maison pour le marché. Les femmes du village laissent leurs marchandises à tous les prix. 5 000 Fcfa, 8000 F voir plus, c’est la quantité qui détermine exactement la somme à payer par maman Chantal ou une autre revendeuse détaillante comme elle. Juste après l’achat, elle s’installe et les premiers clients arrivent juste après. Dans une belle et riche ambiance, elle entretient ses clients. De l’humour par ci, des chants par là ou encore des claquements de main, maman Chantal a tout pour séduire. De loin, il n’est pas difficile d’entendre son fameux appel : « Asso venez voir, bon légume pour la santé. Moins chère, bon prix. Service avec cadeaux » et ça passe comme un tour de magie.
Membre de plusieurs associations de femme, toujours habillée tenue traditionnelle africaine, modèle Kaba juppe, foulard bien soigneusement attaché sur la tête ou parfois autour de la hanche en période chaude ou quand le marché est difficile ou encore quand il faut courir après les voitures des femmes du village pour choisir la marchandise qu’elle souhaite vendre, maman Chantal fait partie certainement de ces femmes camerounaises très dynamiques qui ont donnent raison à l’adage selon lequel le jour appartient à celui qui se lève très tôt et que le travail paie toujours. Véritable moteur de développement, elle contribue à l’économie du pays en faisant tourner, en tant que maillon, un secteur, le secteur informel sur lequel se repose l’économie de nombreux pays africains dont le Cameroun.
Sorelle EMAGNETIK (Stagiaire)