Aucun détail n'a été donné sur l'agenda du président tchadien en terre camerounaise. Idriss Déby Itno, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine (UA), arrive ce vendredi 28 octobre 2016 au Cameroun pour une visite officielle de 48 heures. Tout le pays est mobilisé pour cette arrivée annoncée jeudi à travers un communiqué du cabinet civil de la présidence de la République. Cette visite intervient, on le sait, dans un contexte bien particulier sur le Continent et plus précisément dans la sous région Afrique centrale.
Nul doute que les chefs d'Etats camerounais et Tchadiens parleront certainement de la vague des retraits de certains pays africains de la CPI et ses conséquences à l'intérieur des pays, sur la marche du continent et l'évolution des rapports des pays africains avec les différentes Institutions internationales. Idriss Déby Itno est président en exercice de l’Union africaine et Paul Biya est un doyen en Afrique et de ce fait, très écouté dans les prises de décision dans les différentes instances africaines. Ce n'est plus une vision commune que le président tchadien est venu probablement obtenir face à ces retraits et débats qui secouent le monde. Elle existe déjà depuis la dernière rencontre au plus sommet du continent à Addis-Abeba. Sur proposition du Président kényan Uhuru Kenyatta, l’Union africaine a eu à adopter dimanche un texte qui prévoit le retrait des pays africains de la Cpi. Le geste de l'Afrique du Sud, du Burundi et de la Gambie s'inscrivent dans cette démarche et peuvent être considéré comme un gallot d'essai qui ouvre la voie à d'autres retraits. Le tête à tête Biya-Deby permettra certainement aux deux Chefs d'Etats de faire leur premier débriefing au niveau personnel de la mise en œuvre de cette position africaine.
L’Union africaine et la Commission
En outre, le Tchad veut prendre les commandes de la Commission de l’Union africaine. Son président est campagne dans les capitales africaines. Yaoundé est une étape d’un périple que Idriss Déby a commencé depuis il y’a peu. L’élection très attendue du successeur de Nkosazana Dlamini Zuma a été reportée dernièrement ouvrant la porte à de nouvelles candidatures. Le Tchad en a profité pour placer son pion. Idriss Déby veut profiter de son aura sur la scène africaine et surtout dans la sous-région pour rallier le maximum de voix en faveur de son candidat. Cette sollicitation a été l’objet d’une audience accordée le 11 octobre dernier par le Premier ministre Philemon Yang à son homologue tchadien Padacke Albert Pahim. Les chefs d’Etat vont probablement discuter de cette candidature et surtout du soutien de Yaoundé très attendu par Ndjamena qui pourrait ; s’il arrive, tirer d’autres dans la sous-région même qu’on sait que la Guinée Equatoriale, un très grand pays frère et ami du Cameroun, veut aussi la commission avec un candidat que le Président Théodoro Obiang Nguéma soutient de tous ses vœux.
Au-delà de cela, le Tchad et le Cameroun partagent une histoire commune, des intérêts communs et sont liés par une forte amitié qui s'expriment sur plusieurs fronts. Le Cameroun avec son port de Douala et sa nouvelle plateforme portuaire de Kribi, reste une porte d'entrée incontournable pour le Tchad, pays sans accès à la mer par la force de la nature. La coopération économique entre les pays est très intense et diversifiée. Yaoundé et Ndjamena ont intérêt que cette relation demeure réciproquement bénéfique et surtout qu’elle aille de l’avant. Le pays de Déby a d'ailleurs eu à subir les conséquences désastreuses de la rupture d'une buse métallique sur l'axe lourd Douala-Yaoundé il y’a quelques jours. De nombreux camions en partance pour Ndjamena ont été bloqués sur place. Ce n’est qu’après la mise en service du pont provisoire que le trafic des marchandises ou autres colis vers le Tchad a également repris. La mise en œuvre du projet de construction d’une ligne ferroviaire reliant Ngaoundéré à N’Djamena suit son cours. Les deux pays ont signé récemment un accord pour la construction du deuxième pont frontalier sur le Logone, entre Kousseri au Cameeroun et N’gueli, une ville tchadienne. Bien plus encore, le Cameroun est déjà dans les accords de partenariats économiques avec la signature d’un accord d’étape déjà en vigueur depuis le mois d’aout dernier. Le pays fait cavalier seul jusqu’ici en Afrique Centrale. Le Tchad attends encore comme certains autres pays de la Sous-région de voir claire dans ces accords de l’avis de certains sur le continent semblent plutôt privilégier le partenaire européen que le tissu économique des pays africains et le devenir de ces différents pays qui demeurent un vaste marché des produits européens. Peut-être l’expérience du Cameroun dans ce premier pas franchi vers les APE intéresse le Tchad. La suite de cette visite le dira certainement comme elle le fera aussi sur des questions de changements climatiques, de désertification et d’intégration régionale qui intéressent les deux hommes et leurs pays respectifs.
Boko Haram : l’ennemi commun
Les questions de sécurité préoccupent le Tchad et le Cameroun, leurs chefs d’Etat en premier. La situation sécuritaire dans la sous-région Afrique centrale ne peut pas manquer dans les sujets de concertation. Le regain de violence ces dernières semaines en RCA est source de préoccupation. En mai 2014, au terme de sa dernière visite d’amitié et de travail en terre camerounaise, Idriss Déby Itno et Paul Biya avaient convenu de rendre plus effective la mutualisation des efforts de leurs pays respectifs dans le cadre de la lutte commune contre Boko Haram. Une concertation plus dense entre les forces armées des deux pays, le long de la frontière, avaient été prescrites. La forte implication du Tchad dans la guerre contre Boko Haram a permis de donner le résultat que tout le monde salue aujourd’hui. Le groupe terroriste est réduit même comme il n’est pas complément anéanti. C’est ce qui reste à faire pour gagner cette guerre contre l’horreur et les forces déstabilisatrices d’une sous-région et d’un continent qui veulent avancer. On parle d’une nouvelle stratégie de lutte contre Boko Haram. La concertation entre les deux Chefs d’Etat permettra de lubrifier cette démarche et la machine multinationale de guerre contre Boko Haram. Ce groupe s’est fait ressenti, il y’a quelques jours au Cameroun, à travers l’actes des trois kamikazes qui n’ont fait heureusement que quelques victimes. Des morts de plus, de trop que personne n’accepte. Le resserrement des liens entre Yaoundé et Ndjamena permettra de galvaniser les troupes sur le terrain de la guerre contre l’ennemi commun qu’est Boko Haram.
La visite de Idriss Déby Itno au Cameroun s’achève samedi 29 octobre 2016.
Aboubakar Sidick MOUNCHILI