Pour la célébration de cette année, le Gedrepacam, en partenariat avec le Centre Pasteur du Cameroun a organisé le 19 juin 2025, une conférence-débat sur le thème "drépanocytose en milieu sociétal et familial ; enjeux et défis", ceci dans un contexte où la maladie fait encore face à de nombreux préjugés.
Cette rencontre organisée dans le cadre des mercredis de Pasteur a réuni des experts de la santé mentale et des sciences sociales, des chercheurs en Sciences sociales et des membres de la société civile autour de deux experts - Dr Bingono Bingono, anthropologue et Thierry Ndongo, psychologue clinicien.
Sous la modération du Dr Suzanne Belinga et Ondoa Alfred, il était question d'aborder les impacts psychosociaux de la drépanocytose, souvent ignorés dans les approches classiques de prise en charge.
Dans son propos liminaire, Dr Suzanne Belinga a situé l'etat des lieux de la maladie : " Ici au Cameroun, on a mené des études pilotes de diagnostic néonatal qui ont permis de compter les équivalences après plus de dix ans de dépistage ... On estime qu'environ 8500 à 9000 enfants naissent chaque année avec la drépanocytose . Mais il faut rappeler qu' on a pas encore des statistiques exacts sur le taux de prévalence au niveau national ". Si la drépanocytose est bien connue pour ces complications médicales , elle reste moins abordée dans ses impacts sociaux et psychologiques.
Pour Dr Belinga, 40% de parents refusent de faire le dépistage néonatal donc rejettent la maladie à cause de la stigmatisation et le regard de la société. Pourtant la drépanocytose affecte profondément la dynamique familiale, l'intégration sociale et la perception de soi chez les malades. Gedrepacam a donc jetté un pavé dans la marre afin d'étendre les angles de réflexion sur ce prisme. Dans ce rapprochement entre les Sciences biomédicales et les Sciences sociales impulsé par le Centre Pasteur, l'intervention de l'anthropologue Bingono Bingono a été plus qu'enrichissante. Le chercheur qui a fondé son raisonnement sur des observations empiriques, assimile la drépanocytose à une maladie mystique, soulignant l'importance pour la femme lorsqu'elle est enceinte de respecter les lois sociales ou des interdits alimentaires. Il relève d'ailleurs que : " la probabilité la plus élevée qu'un enfant naisse drepanocytaire, c'est lorsqu' il y'a une rencontre de sang dans le cadre de la parenté ( union exogamique) " . C'est dire que dans la cosmogonie Bantou, ce sont des maladies dites de sang d'où la nécessité de connaître ses origines pour en éviter les conséquences prévient-il.
Le Psychologue clinicien Ndong Thierry pour sa part, a tout d'abord analysé l'impact de l'arrivée d'un enfant drepanocytaire dans une famille mettant en exergue le poids quasi discriminatoire qui pèse sur la maman souvent tancée par le mari d'en être la responsable. Compte tenu d'un environnement qui lui est hostile et défavorable, le médecin qui s'appuie sur son vécu de malade conseille comme premier défi familial à relever :" De pousser l'enfant drepanocytaire le plus loin possible dans les études." Ce qui lui permettra après sa réussite, de se prendre en charge, d'alléger les souffrances de ceux qui l'entourent et d'avoir une certaine assise dans la société.
Changer la perception sur la maladie
Des études ont apporté d'énormes avancées sur la connaissance de la drépanocytose. Dr Belinga évoque : l'amélioration des traitements avec des molécules nouvelles, la thérapie génique, la mise au point des nouveaux tests de diagnostics néonatals. Dr Ondoa demande d'aborder la maladie désormais de manière hollistique. Une entreprise interdisciplinaire est donc plus qu'urgente compte tenu de la complexité de la maladie car en dehors des douleurs vasoinclusives, il y'a d'autres aspects qui interviennent dans la maladie comme l'aspect du handicap.
Quant aux défis de la prise en charge , les professionnels de la santé appellent à la gratuité du dépistage néonatal veritable gage de prévention contre la drépanocytose. Interpellé sur la question , Dr Emah Yannick représentant le ministre de la santé parle des problèmes de financements limités au niveau de l'Etat. Cependant il assure la disponibilité de son institution à œuvrer dans une collaboration sectorielle ( État, société civile, partenaires), afin de trouver des solutions pérennes contre la maladie.
Germaine Ngo Holl